Garantie décennale : une évolution dans la jurisprudence

Le journal Le Monde a rapporté dans un article le 15 avril dernier une décision de la Cour de Cassation du 21 mars 2024 qui introduit un changement dans la jurisprudence sur la garantie décennale, l’une des 3 garanties après travaux qui protègent les bénéficiaires de travaux de rénovation en cas de dommage. La Cour a jugé que la pose d’insert sur un bâti existant – c’est-à-dire après la construction du bâtiment – (poêle à bois, poêle à granulés…) n’était pas concernée par la garantie.

La décision de la Cour porte sur une affaire datant de 2012, dans laquelle les propriétaires d’un insert ayant causé un incendie avait enjoint l’installateur à payer réparation. L’assureur de l’installateur avait refusé de rembourser le dommage au motif qu’un insert, posé dans une cheminée, n’est qu’un « élément d’équipement sur l’existant », et non un « ouvrage » et qu’il échappait donc à la garantie décennale.

La procédure est passée par l’appel et est allée jusqu’à la cassation.

La décision de la Cour remet ainsi en cause la jurisprudence par laquelle elle avait en 2017 étendu le bénéfice de la garantie décennale à tous les éléments d’équipement.

La Cour avait alors jugé à propos d’une pompe à chaleur que « les désordres affectant les éléments d’équipement dissociables ou non, d’origine ou installés sur l’existant, relèvent de la responsabilité décennale quand ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ».

Les 3 garanties après-travaux prévues par la loi

Depuis 1978, la loi Spinetta impose au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre de souscrire une assurance pour garantir la réparation des ouvrages réalisés lors de travaux de construction et de rénovation en cas de dommages.

La loi prévoit ainsi 3 garanties pour le bénéficiaire des travaux :

  • La garantie de parfait achèvement, qui oblige l’installateur pendant un an à la réparation de tous désordres mentionnés soit dans les réserves lors de la réception du chantier, soit par notification écrite après la réception.
  • La garantie de bon fonctionnement qui court pendant 2 ans après la réception des travaux. Elle oblige l’installateur à réparer ou remplacer les éléments d’équipement dont les défaillances ne sont pas apparues à la réception des travaux. Il s’agit de tous les éléments d’équipement dits dissociables c’est-à-dire qui peuvent être enlevés sans dégrader le bâtiment.
  • La garantie décennale est valable 10 ans après la réception des travaux. Elle oblige l’installateur à réparer tous les dommages qui n’ont pas été relevés lors de la réception des travaux et qui entament la solidité du bâtiment ou le rendent impropre à l’usage.

Le maître d’ouvrage doit ainsi souscrire une assurance dommages ouvrages et le maître d’œuvre, une assurance de responsabilité civile décennale.

L’assurance décennale couvre les dommages touchant les éléments suivants :

  • ouvrages de fondation et d’ossature ;
  • ouvrages de viabilité (réseaux, assainissement) ;
  • voirie (chemin d’accès) ;
  • ouvrage avec fondations (véranda, terrasse, piscine enterrée…) ;
  • éléments d’équipement indissociables du bâtiment (canalisation, plafond, plancher, chauffage central, huisseries, installation électrique encastrée…).

Il apparaît donc que la dernière décision de justice de la Cour de Cassation du 21 mars 2024 est plus conforme à la loi puisque c’est la garantie de fonctionnement, d’une durée de 2 ans, qui couvre les éléments dissociables du bâti, comme un insert, et non les éléments indissociables, couverts par la garantie décennale.

Néanmoins, cette nouvelle jurisprudence protège moins bien les propriétaires d’équipements de chauffage renouvelable, à l’heure où l’urgence climatique impose leur adoption par le plus grand nombre.