[DOSSIER] La précarité énergétique dans les copropriétés en France

1 ménage sur 4 en France métropolitaine est dans une situation de précarité énergétique. Alors que la crise énergétique continue, la précarité énergétique risque de progresser dans l’Hexagone. Comment la définir ? Quelle précarité énergétique rencontre-t-on dans les copropriétés et notamment à Paris, une ville qui compte un grand nombre de passoires thermiques ? Quel parcours ont suivi les ménages qui sont sortis de la précarité énergétique ? Réponses en texte, en images et en sons avec notre dossier, La précarité énergétique dans les copropriétés en France. Premier volet : état des lieux de la précarité énergétique en France.

I. La précarité énergétique dans le parc de logement privé (copropriété et monopropriété) : état des lieux

Cet article s’appuie sur une étude1 du Commissariat général au développement durable dans laquelle les critères retenus pour qualifier la situation d’un ménage de « précarité énergétique » sont les suivants :  

Un taux d’effort énergétique (TEE) supérieur à 10 % : le taux d’effort énergétique correspond à la part des dépenses d’énergie sur le revenu disponible du ménage, il est mesuré dans l’étude uniquement pour les 3 premiers déciles de revenu.  

La déclaration de froid au cours de l’hiver aux motifs de précarité énergétique (les membres du ménage déclarent : « j’ai froid à cause d’une mauvaise isolation du logement », « j’ai froid à cause d’une défaillance de l’équipement de chauffage », « j’ai froid à cause d’une panne durable, restriction en raison du coût de l’énergie ou coupure du fournisseur d’énergie », etc), appliquée uniquement aux 3 premiers déciles de revenu.  

L’indicateur des bas revenus et dépenses élevées (BRDE) : il désigne les ménages dont la dépense d’énergie est supérieure à la médiane nationale et le revenu restant une fois déduites les dépenses de logement, inférieur à la somme de 60 % de la médiane de cette variable et des dépenses d’énergie.  

Tous les chiffres (ou presque) cités dans l’article sont tirés de l’étude. Lorsque ce n’est pas le cas, la source est indiquée dans une note de bas de page.

Tous les mois de novembre, depuis 2021, a lieu désormais la Journée de la Précarité Énergétique. Organisé par les acteurs de la lutte contre l’exclusion, cet événement a pour but de sensibiliser à la rénovation énergétique. Il a contribué à faire mieux connaître du grand public la notion de « précarité énergétique ». Et la lutte contre la précarité énergétique est aujourd’hui un enjeu affiché du gouvernement et de sa politique du logement.

Mais quelle réalité se cache derrière le terme de « précarité énergétique » ? Quel est l’intérêt de distinguer cette forme de précarité d’une autre ?

La notion de précarité énergétique permet de mettre en relief la relation entre pauvreté, qualité du logement et consommation d’énergie.

Telle qu’elle est définie dans la loi (loi du 10 juillet 2010, dite loi Grenelle 2), la précarité énergétique désigne une difficulté à disposer de la fourniture d’énergie à cause de faibles conditions de ressources et de mauvaises conditions d’habitat (logement énergivore).

L’évolution des dépenses contraintes et des dépenses d’énergie en France

Aujourd’hui en France, la part des dépenses contraintes ou pré-engagées dans le budget des ménages est importante et en hausse. Elle représente en moyenne 33 % des dépenses d’un ménage contre 11 % en 19602 et 203 % en 1990.

Ce taux d’effort est cependant très variable selon le niveau de revenus : il peut passer de 10 % chez les ménages à hauts revenus à plus de 40 % chez les ménages très modestes3.

BOn à savoir

Qu’est-ce qu’une dépense contrainte (ou dépense pré-engagée) ?  

Selon la définition de l’Insee, il s’agit de l’ensemble des dépenses des ménages réalisées dans le cadre d’un contrat difficilement renégociable à court terme.

Elles recouvrent les dépenses suivantes :
dépenses liées au logement ainsi que celles relatives à l’eau, au gaz, à l’électricité et aux autres combustibles utilisés dans les habitations ;
– services de télécommunications ;
– frais de cantine ;
– services de télévision (redevance télévisuelle, abonnements à des chaînes payantes) ;
– assurances (hors assurance-vie) ;
– services financiers.

Source : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1358

En effet, ces dépenses sont souvent plus importantes chez les ménages aux revenus modestes. En 2017, par exemple, la part des dépenses liées au logement, à l’eau, au gaz, à l’électricité et autres combustibles sur le budget des ménages était plus importante chez les employés et les ouvriers que chez les cadres et les professions intermédiaires4.

En parallèle, depuis plusieurs années les prix du gaz et de l’électricité sont en hausse constante. Cette hausse s’est fortement accélérée depuis 2020.

Dans ce contexte, la perte de pouvoir d’achat due au poids dans le budget des ménages des dépenses contraintes, dont les dépenses d’énergie, peut les rendre très vulnérables.

C’est ainsi qu’émerge une nouvelle forme de précarité, fortement liée au logement et à la consommation d’énergie.

Les appareils électriques et les véhicules se sont multipliés dans les foyers.

Les ménages vivent plus loin des centres villes, dans des logements plus grands.

Le prix de l’énergie varie au cours du temps.

La performance énergétique des logements et des véhicules a tendance à s’améliorer.

Les ménages intègrent dans leurs comportements certaines logiques écologiques et économiques.

Précarité énergétique en France : quelles sont les caractéristiques d’un ménage précaire ?

Les ménages en situation de précarité énergétique ont souvent des points communs. Temps passé dans le logement, situation géographique, niveaux de revenus, habitudes de consommation… de quoi dégager 2 profils-type de ménages précaires, situés aux 2 extrêmes de la pyramide des âges.

Consommation d’énergie, réaction au froid

La majorité des ménages en situation de précarité énergétique est chauffée au gaz (47 % contre 43 % en moyenne dans le logement collectif privé).

Les ménages précaires sont aussi plus nombreux à se chauffer avec des énergies fossiles (12 à 13 % contre 8 % en moyenne).

Les logements possédant un chauffage principal au fioul ou au GPL en citerne ont une consommation plus importante que les autres.

Occupation du logement

Temps passé hors du logementMoins de 4 h par jourDe 4 à moins de 8 heures par jourDe 8 à moins de 12 heures par jour
Ménages précaires64 %24 %8 %
Moyenne nationale57 %24 %17 %

Les ménages les plus modestes, souvent très présents durant la journée dans leur logement sans possibilité de régulation du chauffage, ont moins de marge de manœuvre pour économiser que des ménages plus aisés, en moyenne moins présents et mieux équipés.

Budget

Infographie
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Avoir de faibles revenus augmente le risque de souffrir du froid chez soi et de dépenser beaucoup pour se chauffer. Le poids des dépenses énergétiques dans le budget des ménages précaires est plus important pour les ménages ruraux et âgés.

Type de logement

Les ménages en logement collectif souffrent 2 fois plus souvent du froid que ceux qui résident en habitat individuel (20 % vs 10 %).

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Les ménages occupant un logement d’1 ou 2 pièces ont plus souvent froid que ceux occupant un logement de 5 pièces ou plus. 1/4 des locataires déclarent ainsi avoir souffert du froid, soit bien plus que les ménages propriétaires de leur logement (7,2 %).

En termes de caractéristiques sociodémographiques des occupants, de bonnes étiquettes énergie sont plus fréquentes chez les ménages à revenus élevés, qui occupent des logements généralement grands et récents, et les familles monoparentales, qui habitent souvent dans des HLM, que chez les personnes seules dont les logements sont plus petits.

Composition du ménage et activité

Les personnes seules ont pour 1/4 d’entre elles (24,7 %) un taux d’effort énergétique (TEE) supérieur au double du taux médian.

Ne pas être en emploi augmente fortement la probabilité d’avoir un TEE élevé, qui est de 21,2 % pour les ménages retraités et de 31,3 % pour les ménages dont la personne de référence est au foyer.

Les ménages qui déclarent avoir souffert du froid sont aussi surreprésentés parmi ceux dont la personne de référence a moins de 40 ans ou est sans activité, qu’elle soit étudiante, au chômage ou au foyer.

Bon à savoir

C’est dans les petites communes de l’espace périurbain que le niveau de dépenses en énergie (carburant + énergie domestique) est le plus élevé.

Les leviers pour sortir de la précarité énergétique

La maîtrise de la consommation d’énergie

Certains ménages cherchent des solutions pour sortir de la précarité énergétique, notamment à travers la maîtrise de leur consommation d’énergie.

Les ménages qui adoptent des comportements d’optimisation de leur consommation ont des équipements leur permettant de réguler la température au sein du logement.

Les ménages du 1er quintile privilégient l’économie au confort (39 % de ménages) pour leurs consommations d’électricité, leurs consommations de chauffage (46 %) et leurs consommations d’eau chaude sanitaire (28 %).

En revanche, les comportements d’optimisation sont moins développés chez eux, notamment le fait de couper le chauffage en cas d’absence longue.

Les ménages modestes déclarent ainsi privilégier l’économie d’énergie mais n’optimisent pas pour autant leur consommation.

Les ouvriers, les ménages modestes, habitants de logements anciens et pas très grands, chauffés au fioul, économisent peu l’énergie.

Les ménages aisés sont ceux qui ont le plus tendance à optimiser leur consommation.

Les travaux de rénovation énergétique

De nombreux ménages en situation de précarité énergétique n’ont pas les moyens de financer des travaux d’économies d’énergie.

En effet, les aides financières privées et publiques ne permettent aujourd’hui pas une prise en charge à 100 % des travaux et laissent aux propriétaires un reste à charge qui représente en moyenne 10 %3 du montant des travaux.

On l’a vu, la précarité énergétique dépend du niveau de revenus, des habitudes de consommation et de la performance énergétique du logement occupé.

Il faut savoir qu’en France, en 2012, le parc « ancien » de bâtiments résidentiels (c’est à dire construits avant 1975) représentait 60,7 % des logements existants.

Construits pour la plupart sans aucune obligation d’isolation thermique avant la première règlementation thermique de 1974, la performance thermique de leurs parois est souvent mauvaise. Rénover les passoires thermiques et autres logements énergivores est donc essentiel dans l’Hexagone pour faire reculer la précarité énergétique.

Alors que plusieurs organismes (Cour des Comptes, ONG, Cese…) ont alerté sur le retard pris par la France en la matière, qu’en est-il vraiment ?

Un tiers des ménages (précaires et non précaires) a entrepris des travaux de rénovation énergétique entre 2008 et 2013.

Près de la moitié des ménages déclarent que l’existence d’aides a impacté leur décision d’entreprendre des travaux dans le logement qu’ils occupent.

Exemple de rénovation :
calorifugeage de 19 500 mètres de tuyaux à Nanterre

• Résidence de 530 logements
88 610 m2 de volume chauffé
80 % de logements sociaux
• Montant des travaux (507 000 €) couvert à 100 % par la prime CEE

Quelles sont les conditions nécessaires à la réussite d’un projet de rénovation énergétique en copropriété ?

– Une situation financière des propriétaires assez saine, un budget en équilibre, sans impayés ou dettes trop importantes.

– Un ménage proactif pour s’engager dans un projet de travaux et en capacité de suivre les procédures administratives.

– Un montage financier mobilisant jusqu’à une dizaine de dispositifs pour laisser un reste à charge acceptable pour le ménage.

– Un accompagnement global réalisé par un acteur local : diagnostic, élaboration d’un projet, montage financier, choix des entreprises, suivi de chantier, soutien moral du ménage.

– Une relation de confiance avec les accompagnateurs à la rénovation.

– La résolution de problèmes connexes au chantier : trouver un logement pendant les travaux.

Les freins à la réussite du projet de rénovation énergétique sont au contraire l’insolvabilité des ménages, la réticence des bailleurs à entreprendre les travaux et la longueur des procédures administratives.

copropriétaires, syndics de copropriété…

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1 Source : Les ménages et la consommation d’énergie, Collection Théma, 2017, Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, Commissariat Général au Développement Durable, Service de l’Observation et des Statistiques.

2 Source : Relançons le débat économique 2022, Les 5 dysfonctionnements du marché du logement, Erwann Tison, Le Cercle des économistes.

3 Source : Conférence sur le mal-logement 2023, Fondation Abbé Pierre.

4 Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2385823.